Les Calages

Revenons en arrière de près d'un siècle. Par alliance avec les Bonay, les Calages entrent en possession de la maison de Caraman en 1691. Cette famille de Calages (parfois dans les textes il y a un accent sur le è, à tort semble-t-il ?) était, nous dit Jules de Lahondès, originaire de Fangeaux[1] ; elle est installée à Caraman depuis une génération, en effet : Barthélemy Calages est receveur de la chambre à sel de Caraman, il épouse Catherine de Fournier née vers 1627. Son frère Henry Calages est receveur de la chambre à sel et premier consul de Mirepoix.

 

Barthélemy teste le 28 septembre 1658 devant m° Mazuer, notaire à Caraman. Il est enterré, le 25 octobre 1658, dans l'église de Caraman. L'acte le dit originaire de Béziers. Catholique, il a dû être nommé à cette charge de receveur de la chambre à sel, pour combattre dans le bourg l'influence des bourgeois protestants.

 

Catherine teste le 18 octobre 1684, devant m° Gineste, notaire à Bourg-Saint-Bernard, elle laisse à sa fille Jeanne, certains biens qu'elle possède dans le consulat de Béziers, et décède, le premier octobre 1687, à l'âge de 60 ans.

 

Le ménage a au moins quatre enfants.

 

1) Jean (1649-1658).

 

2) Jeanne épouse le 11 octobre 1663, par contrat m° Mazuer, François Gravier sieur de Saint André, d'où Isabeau décédée à huit mois le 28 octobre 1667, Gaston Gravier, "qu'on dit, ingénieur du roi à la Guadeloupe", Françoise et Marie Anne.

 

3) Elisabeth ou Isabeau de Calages épouse le 13 mai 1671 à l'église, noble Jean de Bonne sieur de la Barthe de la paroisse de Saint-Martin-de-Capver[2] dont Jean Pierre né le 24 juin 1674 ; Jeanne baptisée le 21 mars 1676, elle épouse à Villenouvelle Grégoire sieur de La Personne sieur de Sabartier[3] ; Catherine qui épouse à Villenouvelle Marc Antoine de Cantalauze, dont Marie Germaine qui épouse le sieur de La Personne sieur de La Callerie[4] ; Henry né le 28 mai 1678 ; Christophe né le 6 août 1679, Ignace de Bonne, officier dans les troupes du roi d'Espagne, se serait marié en Espagne ; Isabeau née le 14 avril 1682 ; Jean né le 26 février 1684 ; Gabrielle née le 4 avril 1685. Isabeau de Calages, veuve de Jean de Bonne, paye l'impôt de la capitation, en 1665, à Puylaurens[5].

4) Barthélemy qui suit.

 

Barthélemy Calages

 

Barthélemy est baptisé, le 27 mai 1657, dans l'église de Caraman, son parrain est Jean de Calages, sa marraine Jeanne de Calages ; à un an il est déjà orphelin de père.

 

 

                                                    Sa famille

 

Barthélemy Calages épouse, à 34 ans, le 27 octobre 1691, par contrat devant m° Martin, notaire à Caraman, Marie de Bonay. Il a pris soin, sept ans avant son mariage, de faire abjurer ses futures épouse et belle-mère, le 14 octobre 1684. Il décède, le 7 décembre 1732, à 75 ans. Il est enterré dans la nef de l'église de Caraman, "..près du banc de monsieur le comte au pied de l'escalier montant au choeur du côté de l'épître". Dans cette société hiérarchisée de l'ancien régime, la tombe dans l'église se trouve au même emplacement que celui que l'on a occupé de son vivant.

 

 Marie de Bonay dite Marion née vers 1664, teste le 23 juin 1727 devant m° Millet, notaire à Toulouse,  et décède le 13 août 1750 à 86 ans. Elle est enterrée dans l'église. Elle est la marraine, le 27 août 1702, de la cloche de l'église de Lignerolle, appelée Guilhemette, son parrain étant Guillaume de Villeneuve de la Roque du Crozilhat, et ce en présence de Jacques Bonay son père[6], qui avait dû financer pour se faire pardonner son passé protestant.

 

Le couple a trois enfants.

 

1) Jacques qui suit.

 

2) Elisabeth naît le 20 janvier 1699; elle épouse le 5 avril 1723, par contrat devant m° Faure, notaire à Saverdun, et le 6 avril 1723, à l'église de Caraman, Jean Raymond Sarrut, bourgeois de Saverdun. Elle décède, le 6 février 1724, après avoir mis au monde le 5 février, une fille Jeanne, qui décédera deux jours après.

 

3) Marguerite naît le 21 avril 1704, son oncle Jean François Gravier de Saint André est le parrain, et la marraine, sa grande tante protestante Clio de Prat. Elle épouse le 23 juin 1727, par contrat devant  m° Millet, notaire à Toulouse, puis le 2 juillet 1727, en l'église Saint-Georges-de-Toulouse, m° Pierre Barbot, avocat au parlement, lieutenant particulier au sénéchal de Toulouse, capitoul en 1763[7]. Il est fils de Bertrand Barbot, bourgeois de Beaupuy, et de Jeanne de Bousquet.

 

                      Sa carrière

 

 Barthélemy fait ses études à l'Université de Toulouse, il nous a laissé ses titres de bachelier en droit civil, licencié en droit, docteur en droit, les trois titres au 6 février 1679, avec le sceau de l'Université. Il est reçu avocat le 11 mars 1679, à 22 ans. Le 6 mars 1680, messire Pierre Paul de Riquet comte de Caraman, baron de Saint Félix, lui donne des provisions de juge d'appeaux de "la" comté de Caraman et baronnie de Saint-Félix[8]. Il a acheté cette charge 2500 livres à Raymond de Tiffy, sieur de Calagade, son prédécesseur. A titre de comparaison, le prix d'une charge de président à mortier du parlement de Toulouse est fixé, par une déclaration royale du 13 janvier 1666, à 120 000 livres, celle d'un conseiller lai à 60 000 livres. En 1682, une charge de conseiller au parlement de Paris coûte 100 000 livres pour se dévaluer à 40 000 livres en 1732[9]. Barthélemy est installé dans sa charge, le 12 mars 1680, par m° Bories juge royal de Cuq.

 

Le juge d'appeaux de Caraman, nous dit l'abbé Morère, comprend sous sa juridiction toutes les terres du comté de Caraman, ce tribunal est composé d'un président et de deux assesseurs. Son pouvoir a été délimité par un arrêt du parlement du 13 septembre 1531, sur différends suscités entre la ville et le seigneur, la Cour ordonne "qu'il serait loisible au comte de tenir son juge d'appeaux, lequel connaîtrait en première appellation des causes tant civiles que criminelles, qui seraient interjetées par l'église collégiale (Saint-Félix), des consuls, manants et habitants, des sentences du juge ordinaire". Cette petite cour d'appel ressort directement du parlement de Toulouse, un arrêt postérieur du 16 mars 1617[10] assigne les lieux de juridiction à la judicature d'appeaux. Cet arrêt, en notre possession, rappelle les précédents et les lettres patentes de création et de confirmation dont la plus ancienne, du roi Philippe-le-long, est de mars 1321.

 

  Un autre arrêt du parlement de Toulouse en date du 23 décembre 1772 est encadré dans le petit-salon de la maison, à la requête de messire Victor Maurice de Riquet comte de Caraman, etc., il déclare: "..de faire inhibition et défenses au sénéchal de Castelnaudary de connaître d'aucune cause généralement quelconque, soit en première instance soit en cause d'appel portées devant lui des villes et lieux dépendants du comté de Caraman, Albiac, Loubens, Vendines, La Clastre, Las Borde, Prunet, Mascarville, Saussens, Caragoudes, Cambiac, Mourville-Basse, La Salvetat, Saune et Ségreville, Fortounous, Pech Calvel, aujourd'hui Montcalvel, Saint-Germier, Esquiles, Lux-Saint-Jean, Toutens, Belpech aujourd'hui Le Pech-Saint-Vincent, Beauville et ses dépendances, les Cedals et Fourtounens[11] et autres juridictions formant le dit comté". D'autres arrêts, en 1708, font défense aux privilégiés, justiciables du comté de Caraman, de porter leurs causes , en première instance, ailleurs que devant son juge d'appeaux ; ou en faisant défense au sénéchal de Castelnaudary de prendre connaissance des causes qui proviendraient du comté[12].

                 

                                                   Sa fortune

 

Entré, "comme gendre", dans la maison, Bathélemy prend soin d'inventorier, le 10 décembre 1691, les meubles qu'il y apporte. Il nous permet ainsi d'imaginer le décor. Il y a quatre lits, l'un avec un ciel de lit violet, il est dans la salle (ou salon); l'autre garni de serge couleur souris, avec une frange de soie de diverses couleurs, se trouve dans la chambre d'auta ; le troisième est comme les autres en noyer, il est entouré de rideaux de cadis vert, mais avec un ciel en bois, et se trouve dans la chambre derrière la cuisine. Quant au dernier, petit et méchant, c'est celui du valet. Le trousseau se compose de 27 draps ou linceuls toile fine de maison, et 6 draps grossiers, 3 coussinières toile fine. Pour linge de table, nous trouvons 9 nappes et 6 douzaines de serviettes fines, 10 nappes et 28 serviettes grossières. Nous n'énumérerons pas l'importante batterie de cuisine en cuivre, qui a fait d'ailleurs l'objet d'échange le 26 avril 1697 avec Maurel, marchand chaudronnier, pour des ustensiles plus neufs, le tout pour 50 livres dont 30 livres payées, le reste par échange. Une paire de landiers en laiton, avec pelle et pincette est dans la salle, une autre, dans sa chambre. En revanche, dans la grande cheminée de la cuisine, les landiers sont en fer, avec un crémail ou pendant de feu. Les assiettes, plats sont en étain, seulement 6 couverts et une écuelle sont en argent. Une maie à pétrir doit être aussi dans la cuisine.

 

Les meubles se répartissent dans les différentes pièces, quatre tables, dont deux en noyer et deux en sapin. Dans la salle nous remarquons, sur le tapis de canevas, avec le lit ci-dessus, les quatorze fauteuils, bois de noyer à colonne torse, garnis de canevas, accompagnés de six chaises paillées garnies de droguet à fleurs, qui se reflètent dans un grand miroir, dont la glace est de 27 à 28 pouces. Dans son cabinet (bureau), un miroir avec son cadre noir reflète la lumière, et quatre chaises en noyer garnies de cadis vert. Un autre petit miroir-à-toilette dans sa chambre, huit chaises chapeler (?) sont garnies de serge de couleurs d'or, et un  coffre bois de noyer. Dans la chambre de ses beaux-parents Bonay, il y a un cabinet bois de noyer à deux corps.

 

La maison, d'après cet inventaire, qui ne concerne qu'une partie du mobilier, celui de Calages, se compose d'une cuisine, grande-salle, quatre chambres et un bureau.

 

Barthélemy achète des terres au Faget, le 7 juin 1710, à Marc Antoine de Cantalauze, son cousin. Il devient propriétaire de la métairie d'En Bonnet, dans le consulat de Ségreville, par suite d'une saisie, le 17 juin 1722. Son beau-père Jacques Bonay, le 30 mars 1713, avait pris en ferme pour quatre ans les terres et seigneurie de Caraman, Albiac, avec les métairies, terres, bois et vignes du comte de Caraman pour 2200 livres. A l'exception  des métairies de la Borie-Blanque et de la Borie-Basse qui sont affermées par un autre bail, l'une pour 245 livres et l'autre pour 298 livres[13]. Barthélemy en assure la gestion.

 

A son décès, en 1732, son fils trouve dans son coffre 1308 livres, il laisse dans les métairies 46 bêtes à cornes, 4 juments, une petite mule de six mois, et 75 bêtes à laine. Le grenier sous l'appartement fait son office, car il est garni de 6 setiers d'orge de 1730 + 45 setiers de blé de 1731, 46 s. de millet de 1731, 12 s. de blé de 1732, 28 setiers de millet (maïs) de 1732 en épis qui ont produit 99 setiers dépiqués, (dépiquer : sortir le grain de son épi), 23 setiers de fèves, 3 setiers de haricots, et dans la cave 2 barriques de vin de 1732.

 

  Nous devons à Barthélemy, le grand portail Louis XIII, "pointes de diamants" au fond du couloir d'accès, les portes à panneaux de même style, l'une  au petit-salon, l'autre dans une chambre, ainsi que la petite cheminée Louis XIV de la salle-à-manger.

 

 armoiries des Calages

 

Dans l'Armorial de France de d'Hozier, Barthélemy de Calages, Conseiller du roi, Juge de la Ville et Comté de Caraman, porte : d'or à un chevron de gueules accompagné en chef de deux croissants d'azur et en pointe d'un rocher de sable, et un chef d'azur chargé de trois étoiles d'argent, parti d'azur au lion d'argent.

 

Conflit avec la communauté de Caraman

 

La nomination de Barthélemy Calages à la charge de juge d'appeaux s'inscrit dans la volonté royale et comtale de reconquérir Caraman sur les protestants, comme nous l'avons souligné ci-dessus avec l'intervention de Louis de Froidour. En effet dès le 24 mars 1680, la communauté de Caraman se rebiffe contre le juge d'appeaux qui veut exercer son droit de préséance et présider le conseil. Le 27 mai, 1'archevêque de Toulouse en visite à Caraman, demande à la communauté et à Calages de remettre cette affaire à des avocats ou à des conseillers au parlement de Toulouse. Le 15 septembre 1680, une ordonnance de Daguesseau, intendant de Languedoc, à la requête du comte de Caraman, fait inhibition à mm les consuls de s'assembler en conseil, soit en particulier, soit en général, sans y appeler monsieur de Calages, juge d'appeaux, pour y présider l'assemblée. La communauté s'insurge, elle a joui de cette liberté d'assemblée depuis un temps immémorial, et ce depuis monseigneur de Montluc, jadis comte de Carmaing. En 1682, des arbitres sont nommés par le parlement, ce sont monsieur de Fermat[14], conseiller au parlement et commissaire aux requêtes, l'avocat Larieu pour la communauté, le conseiller à la cour de Chalvet, et l'avocat de Gourdan pour Calages. Calages préside et signe les registres à partir du 6 février 1684[15], jusqu'au 3 août 1692. A cette date,  le roi ayant vendu l'office de maire, le conseil est désormais présidé par Guillaume de Villèle de Campouliac jusqu'à sa mort en 1714, date à laquelle la communauté rachète son office pour 5900 livres. A nouveau Barthélemy Calages préside toutes les réunions du conseil politique. Toutefois, le comte de Caraman défend les prérogatives de son juge d'appeaux aux dépens de celles du maire ! Il obtient un arrêt du parlement de Toulouse, le 23 janvier 1694, qui fait défense à Guillaume de Villèle, maire, de troubler le juge Calages, dans son droit de le précéder dans l'église, et d'occuper le banc qui lui est réservé.

 

Jacques Calages

 

Il naît le 28 mars 1692, il est baptisé le 5 avril, son parrain est Jacques Bonay, son grand-père, et sa marraine Jeanne de Calages, épouse du sieur de Saint André, de Mirepoix, sa tante. Il teste le 3 février 1739 devant m° Moncassin notaire et décède le 17 avril 1778, à l'âge de 86 ans. Il épouse, à 40 ans, le 12 février 1732, en l'église Saint-Etienne de Toulouse, en la chapelle Sainte-Anne, et en présence de messire Anthoine de Murasson, chanoine chancelier de l'Eglise de Toulouse, vicaire général, Anne Angélique de Fraxine, fille de Bernard de Fraxine baron d'Ornolac et d'Anne Angélique de Murasson, d'une famille de parlementaires toulousains. Angélique était pensionnaire au couvent de la Madeleine de Toulouse.

 

Bertrand Fraxine, natif de Toulouse, marchand à Pamiers sur la place en blé, vint s'y établir avant la fin du XVI°. Appartenaît-il aux Fraxine toulousains, dont trois furent capitouls en 1473, 1483, 1590 ? Etaient-ils parents des Fraxine de Pamiers qui avaient rempli fréquemment dans cette ville, les charges municipales, pendant le moyen âge[16]?  Ils portent des armoiries parlantes : D'or au chevron de gueules accompagné en chef de deux roses de même, et en pointe d'un frêne de sinople[17].

 

Le jeune ménage s'installe d'abord à Toulouse chez Pierre Barbot, leur beau-frère, il est convenu qu'ils vivront en communauté jusqu'à la mort du père. Mais quelque temps après ils habitent chez monsieur de Boissy, rue Méjanne, avec un loyer annuel de 200 livres, réduit l'année suivante à 180 livres.

 

Madame de Calages, Angélique de Fraxine, décède en couches à Caraman le 24 novembre 1738 à l'âge de 31 ans.

 

                                   Sa famille

 

Le ménage a quatre enfants:

 

1) Marie naît le 24 décembre 1732, à Caraman, suivant le livre de raison, elle est baptisée le lendemain, jour de Noël, parrain monsieur de Fraxine, "mon beau-père", marraine Marie de Bonay "ma mère". Elle est mise en nourrice à Loubens chez la Jeanne Dortet tailleur (sic). Elle épouse Jean Louis de Pagès Bannières, qui suit.

 

2) Pierre Barthélemy naît le 22 juillet 1734, parrain m° Pierre Barbot, lieutenant particulier au sénéchal de Toulouse, marraine madame de Fraxine "ma belle-mère". Il décède le 28 mai 1735 à Maurens, où il est en nourrice.

 

3) Marguerite naît le 8 janvier 1736, parrain messire Anthoine de Murasson, chanoine chancelier, marraine Marguerite de Calages épouse de Pierre Barbot. Elle est donnée en nourrice à Toinette Balarot, dite Pelaton, femme du tisserand des Pittores de Caraman, puis à la Messigue, de Caraman.

 

4) Jeanne, dite Jeanneton, naît le 17 janvier 1737, parrain m° Jean François de Fraxine Beautié, clerc tonsuré, "mon beau-frère", pour Louis de Murasson sieur de Lainac, de Montauban, marraine demoiselle Jeanne de Fraxine. Elle est donnée en nourrice à la femme d'Antoine Grégoire, d'Albiac.

 

Les deux filles meurent à Toulouse, religieuses de Notre- Dame[18]. Jean Louis de Pagès Bannières emprunte solidairement avec son beau-père, le 19 décembre 1761, devant m° Binos, notaire à Toulouse, de Jean Cavalier, capitoul de Toulouse, la somme de 4000 livres sous la rente constituée de 200 livres, pour être employée à payer la dot de Jeanne, novice au couvent de Notre-Dame de Toulouse. La somme est remboursée le 9 avril 1764.

  

                                                   Sa carrière

 

Jacques Calages, forte personnalité comme son père, est bachelier de l'Université de Toulouse le 3 juillet 1711 ; le 3 juillet 1712, il est licencié en droit, le 14, il prête le serment d'avocat devant le parlement de Toulouse ; le 12 juin 1714, messire Pierre Paul de Riquet, grande croix de l'ordre militaire de Saint-Louis, lieutenant général des armées du roi, comte de Caraman, lui donne les provisions de survivance en la judicature d'appeaux de "la" comté de Caraman.

 

Après le décès de son père, il présente le 7 août 1733 une requête au parlement pour être reçu à la charge de juge d'appeaux. Arrêt rendu, il est installé par monsieur de Montagnac, substitut du procureur général, le 18 août : "..sur mains mises sur les saintes Evangiles a promis et juré de faire les fonctions de sa charge en Dieu et conscience et d'honneur".

 

En 1724, il est maire ancien alternatif et triennal de la ville de Caraman, il est aussi régent bayle de la Table du Saint-Esprit de l'Eglise de Toulouse, confrère des pénitents bleus de Toulouse, syndic de l'Hôtel-Dieu Saint-Jacques de Toulouse[19], doyen des avocats du parlement. Enfin charge importante, il est nommé subdélégué de l'intendant d'Auch[20]. Les subdélégués ne sont pas des officiels. Leur pouvoir dépend des intendants, de la confiance qu'ils inspirent et du besoin qu'on a de leur assistance. La subdélégation est en principe gratuite, mais le plus souvent l'intendant leur attribue des gratifications. Auch est loin pour les administrés, 108 km, l'intendant Journet semble n'être venu qu'une seule fois à Caraman en mai 1768. Jacques Calages est même le premier subdélégué à résider sur place. Son prédécesseur Bousquet, lors de sa visite du 11 septembre 1725, demande qu'on lui procure une maison commode et honnête, où il puisse avoir deux lits de maître, un pour son secrétaire et deux pour ses valets, sans pourtant incommoder qui que se soit. Il faudra lui fournir, bois, charbon, linge, bougies, vaisselle plate. Il aura aussi besoin de chevaux pour ses gens, le tout aux frais de la communauté[21]. Ainsi, pour les Calages, sur des pouvoirs anciens de justice, se sont greffés d'autres, ceux de la subdélégation, et ceux de la charge de maire. "C'était un juriste et un fin lettré, écrit Jules de Lahondès à Alix de (Roussy de Sales) Malbosc, sa belle  bibliothèque[22] en fait foi ; quelques semaines avant sa mort, il avait voulu se retirer, et le marquis de Caraman lui écrivit de Paris pour lui exprimer ses regrets[23]".

 

proclamation au nom de Jacques Calages, subdélégué

proclamation au nom de Jacques Calages, subdélégué

 

Les Caraman et leur comté

 

                                                Pierre Paul Riquet sgr de Bonrepos auteur du Canal du Midi

                                                V. 1604-1660

                                                x en 1638 Catherine de Milhau

____________________________________________I_________________________________________________

Jean Mathias Riquet Sgr de Bonrepos                                 Pierre Paul Riquet achète le comté de Caraman

1638-1714                                                                                               V. 1646-1730

Cons. au Plt de Paris Pst au Plt de Toulouse                  Lieutenant général, sans postérité

x (1° Claire de Cambolas)                                             

2° Madeleine de Broglie

_______________I_______________________________________________________________________

Victor de Riquet Cte de Caraman Mis de Roissy                Jean Gabriel A. A. Baron de Bonrepos

1698-1760                                                                                               1712-1791

Lieutenant général en 1744                                                   Procureur général au Plt de Toulouse

x Louise Madeleine Portail de Vaudreuil                  x Marie Catherine Charlotte de Maupéou

______________I__________________________________________________________________________

Victor Maurice de Riquet, Cte de Caraman Mis de Roissy                      Antoine Jean Louis Riquet

1727-1807                                                                                                                               1729-1759

Lieutenant général en 1780                                                                                   Pst au Plt de Toulouse

x Marie Anne d'Alsace Princesse de Chimay                                                    x Catherine P. V. de Bonrepos,                                                                                                                                 sa cousine, sans postérité

_______________I________________________

Caraman                                  Caraman

Branche ducale                         Prince de Chimay

 

 

Les armes des Riquet sont : d'azur à une bande d'or, accompagnée en chef d'une demi-fleur de lis de Florence (fleuronnée), et en pointe de trois roses d'argent, posées en orle.

 

 

 

Barthélemy et Jacques Calages, le père puis le fils, gèrent le comté de Caraman pour le compte des Riquet ; une correspondance suivie entre trois générations de Riquet et trois  de Calages et Pagès Bannières est conservée, une lettre de 1684 et 72 de 1742 à 1779. Ce courrier administratif au début, devient intime au fil des ans. Il montre la gestion éclairée des Riquet, et leur sollicitude à l'égard de leurs administrés. Quoique, après l'achat du comté au marquis de Sourdis, le 5 août 1670, ils n'y soient venus que deux fois : le 20 ou 23 février 1675, puis le 17 octobre 1763. Les Riquet, parlementaires de Toulouse, ont été enrichis par les droits sur le canal du midi, dont Pierre Paul Riquet a été le génial promoteur. En février 1675, le comte de Carmaing[24] vient prendre possession de son fief. Il est reçu par les deux communautés, catholique et protestante, avec grande débauche d'armes à feu, "..d'apporter les armes que chacun aura... les sieurs consuls sont priés d'acheter la poudre nécessaire", le ton est donné par trois fifres et trois tambourins. Les comptes de la réception sont cependant vérifiés par quatre personnes, deux de chaque religion. La communauté le rencontre aussi, soit à Toulouse en septembre 1668, soit avec Barthélemy Calages au château de Bonrepos en mars 1679[25].

 

Dans ses missives, le comte de Caraman se montre très attaché à ses droits, à ceux du comté, mais aussi aux intérêts de ses sujets. Nous l'avons déjà vu intervenir dans l'élection et la désignation des consuls, nous le verrons encore, lors des épizooties, et quand se posera le problème de la réunion du comté au Languedoc. Par exemple, il veille jalousement sur son droit de chasse. Il fait poursuivre, en 1726, Arnaud Sanchély, conseiller au sénéchal, car son fils avec l'abbé Consse et François Fabré ont chassé dans sa terre d'Albiac. Le 30 octobre 1763, il écrit au maréchal de Richelieu pour lui demander de réprimer les abus sur la chasse. La maréchaussée de Guyenne, qui doit faire exécuter l'ordonnance, est trop éloignée, il le prie, alors, d'écrire au duc de Fitz-James, pour qu'avec la maréchaussée de Languedoc, il donne main-forte à son juge d'appeaux. Un litige l'oppose à la communauté au sujet du droit de propriété des fossés de Caraman. En effet, en janvier 1764, il concède 120 toises carrées à Pierre de Sanchély de Rouaix, seigneur de Mascarville, sous l'hommage et prestation de fidélité à chaque mutation du seigneur, et sans autre redevance qu'un baiser. La communauté s'y oppose, elle prétend que le comte de Montluc lui a déjà octroyé ce droit. Laborie garde-archive du comte intervient, à haute voix pour intimider les délibérants, devant l'assemblée communale. Il leur fait entendre qu'il fera murer, au nom du seigneur, les portes des particuliers qui donnent sur les fossés, détruire granges, basses-cours et balcons. Il apparaît à la réunion dans un état d'indécence, la cravache à la main. Il affecte de prendre la première place devant les autorités. Le comte tempère, néanmoins, il reste ferme. Si l'on doute de la validité de son droit, il le fera décider par des arbitres. Il ne s'offusquera pas si la communauté, insatisfaite, porte l'affaire devant la grande chambre. Il réprimande Laborie, même si des témoins disent qu'il n'est pas entré le fouet à la main. Il charge Jacques Calages de terminer l'affaire moyennant l'hommage et l'albergue (redevance devenue symbolique, autrefois, droit d'auberge, c'est à dire l'obligation de loger le suzerain et sa suite). Enfin il conseille à la communauté de ne pas faire obstacle à la construction de bâtiments sur les fossés, car sans cela la ville ne s'agrandirait jamais.

 

Les Caraman, néanmoins, sont peu procéduriers, par rapport à d'autres seigneurs, même si Victor Pierre François poursuit, en 1751, m° Guillaume Martin, notaire à Caraman, pour le contraindre à lui reconnaître les biens dont il est tenancier dans sa seigneurie, biens dont une portion de la domination féodale est indivise avec le chapitre de Moissac[26] ; ou Claire de Villeneuve de La Boulbène pour les mêmes raisons, en 1752[27] ; ou en 1754, s'il poursuit Pierre de Sanchély de Rouaix, seigneur de Mascarville, pour l'obliger à lui consentir nouvelle reconnaissance des biens qu'il tient en emphytéose et à lui payer les droits seigneuriaux[28]. En revanche, le sénéchal de Toulouse Henri Auguste de Chalvet de Rochemonteix condamne, en 1689, monsieur de Riquet à passer au prieur de La Salvetat de nouvelles reconnaissances pour les terres imposées en 1506[29].

 

Les petits intérêts de ses habitants lui tiennent à coeur. En mai 1765, il se préoccupe de trouver une pension à la barrière de Montreuil, faubourg Saint-Antoine, à messieurs de Rabaudy et de Puybusque, pour leurs fils aînés. "Il serait souhaitable qu'en plus d'apprendre à lire et à écrire et de leur enseigner le latin, il faudrait leur donner des maîtres de langue allemande, de dessin et d'armes, pour leur permettre d'entrer au service". En 1783, le comte de Caraman intervient, en vain, pour obtenir une place dans les écoles royales militaires[30]pour Joseph de Villèle (le futur ministre), qui a dix ans. Il s'inquiète des humbles. En mai 1766, de violents orages accompagnés de grêle brisent les vitres de l'église, mais plus grave, la récolte est détruite, "le laboureur est abattu et découragé". C'est pourquoi le 9 septembre 1766, le comte de Caraman offre à tous les habitants victimes d'intempéries, du blé en prêt pour semer[31]. Prêt libéral, car  5 ans après, le 28 octobre 1772, il écrit à Jacques Calages : "Je voudrai avoir des trésors à ma disposition, les pauvres de Caraman y auraient bonne part... J'ai donné quittance pour plus de 800 francs à des débiteurs, qui me doivent du blé, 500 francs au sieur Bousquet, huissier, vieillard surchargé de famille, que vous m'avez recommandé". Il intervient pour les congés et grâces des militaires, auprès de ses confrères officiers de haut-rang ; pour la percée des routes, et l'obtention d'une brigade de maréchaussée à Caraman, etc. Il a même un projet de création d'une filature de coton avec l'aide de son procureur fondé, monsieur de Besaucele,  lieutenant principal du présidial de Carcassonne, à condition que la communauté fournisse un local[32]. Il transmet, le 24 octobre 1788, à Balainvillier l'intendant de Languedoc, un placet de monsieur de Roques de Saussine, qui demande l'allègement de la taille. Chargé d'une nombreuse famille, écrit Roques, la récolte est si médiocre, qu'il a besoin de secours pour terminer l'année. Il ajoute : "J'ai vendu toutes mes denrées sans en rien réserver pour faire honneur à votre caisse[33]". En effet une caisse d'avance pour les pauvres (première banque), à l'initiative du comte de Caraman qui a fait un apport de dix mille livres[34], a été fondée par lettre patente du 3 juillet 1781.

 

La communauté s'associe aux naissances, mariages, deuils des Caraman, comme par exemple le dimanche 6 janvier 1763, pour la naissance du marquis de Roissy, dont madame la comtesse de Caraman a accouché dans la nuit du 23 au 24 décembre 1762. La nouvelle a été transmise par monsieur de Marle, receveur du canal. Il en est de même, le 23 octobre 1765, lorsque le secrétaire du comte, monsieur de La Colombière fait part à Jacques Calages de la naissance d'un autre fils. Plus exceptionnelles sont les réjouissances décidées par la communauté, un dimanche de novembre 1764. Un feu de joie est préparé ; chaque caramanais doit faire devant sa porte des illuminations ; une compagnie des habitants sera sous les armes, avec tambours, hautbois et fifres, car le comte a été promu à la dignité et charge de lieutenant général des armées du roi[35].

 

Je n'ai pas trouvé de document pour évaluer ce que rapporte le comté aux Riquet, il s'agit surtout de droits féodaux. Les propriétés vendues, comme bien national, sont d'une importance  relative, elle ne couvrent à peine plus de 200 ha[36] et sont fortement morcelées pour faciliter la vente et pour les répartir de façon équitable : Les métairies de La Borie-Blanque et La Borie-Basse sur la paroisse de Caraman ; La Grange à Albiac ; La Tour, d'Aubaresse, La Borie-Grande sur les communes d'Albiac, La Salvetat, Loubens ; enfin à Revel, un four et le moulin à eau à trois meules appelé Devant du Roy[37].

 

                                                   Sa fortune

 

Jacques Calages a-t-il la mentalité d'un "capitaliste" ? Sa belle-famille lui a mis le pied à l'étrier, dans son contrat de mariage, passé le 12 février 1732, devant m° Boyer notaire à Toulouse. Son père et sa mère font donation générale entre vifs de la totalité de leurs biens meubles et immeubles, sous réserve de l'usufruit de la moitié des biens ; en revanche, la dot d'Angélique est de 13 500 livres, soit 12 550 livres du chef paternel, et 1 000 # du chef maternel, dont 3 000 # sont payées comptant, 5 000 # en rente constituée à 5 % sur la province de Languedoc, 1 550 # sans garantie sur m° Jean Martin, prêtre, curé de Dieupentale, deux billets de constitution de rente de 2 000 # chacun, l'un sur le collège de Perpignan, l'autre sur le collège de Montauban.

 

Placement et rendement des capitaux

 

Chaque année de 1733 à 1748, dans son livre de comptes, il donne le détail de sa fortune mobilière, et son évolution d'une année sur l'autre.

Ainsi au premier janvier 1733, il possède :

 

Argent comptant :                                     2 177,39 livres

Parties sur la province :                  5 000

Collège de Montauban :                     2 000

           Perpignan :                     2 000

Sur le curé de Dieupentale :               1 550

Du par m de Cazals :                         50

       m Savany :                            48

M Pinaud curé de Castel Ginest :            114,17

Bertrand Duvaux :                             50

Daniel Pitorre :                              90

La cousine de Cantalauze :                    30,44

Bestiaux : 47 bêtes à corne, 4 juments et une

petite mule, 75 bêtes à laine :            1 949,10

Dettes des métayers :                        117,19

46 setiers de blé de 1731 :                  476

12...................1732 :                   54

11............milhet :                        48

12............fèves :                             

296...........fèves de 1732 :                389

Dix barriques de vin :                       260

 

Soit un total de :                        16 464,16 livres

 

En 1734, il enregistre une plus value de 1104 livres ; mais en 1735 la moins value est de 93 livres ; 1736, + 829 # ; 1737, + 1086 # ; 1738, + 659 # ; 1739, + 1376 # ; 1740, + 582 # ; 1741, + 992 # ; 1742, + 188 # ; 1743, + 209 livres ; mais en 1744 la moins value est de  278 # et de 38 # en 1745 ; 1746, + 298 # ; 1747, + 905 # ; 1748 + 912 #. Il nous précise que sa fortune a augmenté de 1733 à 1748, sur quinze ans, de 22 104 livres, soit de + 34 %. Cela représente 2,2 % par an. Ce résultat est honnête en période de stabilité monétaire[38], et du fait qu'il vit en partie sur ses revenus. Les rentes ou obligations sont souscrites généralement au taux de 5 %. Elles se renouvellent au fur et à mesure des années, elles sont sur : Jean Fortis de Viguerie 300 #, M. de Prunet 48 #, l'abbé Petit 1000 #, le séminaire de Toulouse 1200 # (à 5 %, puis réduit 4 ans après à 4 % pour éviter, écrit-il, un remboursement avant terme), sa cousine de Saint André 33 #. Il faut noter qu'à partir de 1735, l'impôt, le dixième est retenu à la source, ou le vingtième en 1750, au moins par les organismes à caractère semi-public[39]. Pour la rente sur la province, par exemple, de 250 # sur un capital de 5000 #, il écrit : J'ai reçu la rente échue de 225 # m'ayant été retenu 25 # pour le dixième.

 

Rendements agricoles

 

L'étude de ce livre de comptes nous permet de retrouver chaque année le rendement de ses terres[40]. Cela donne, par exemple, pour l'année 1734 :

                            Blé

 

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Métairie   * Semence en * Gerbes * Récolte en * Quitte[41]* Gains en

           * setiers    *        * setiers    *        * livres

------------------------------------------------------------------ Vieulette  *  26        * 1250   *    63      * 18     * 181 # 4   Assolentis *   8        *  495   *    18      *  5     *  42 #

Jeannet    *   8        *  360   *    23      *  7,1/2 *  58 # 16

Lapierre   *   5        *  396   *    16      *  4     *  32 # 12

Bonnet     *   4        *  140   *     7      *  1,1/2 *   8 # 12

La Saurête *   4,1/2    *  240   *    11      *  3     *  31 # 12

------------------------------------------------------------------

Total +/-  *  55,1/2    * 2851   *   138      *  39,3q * 365 # 16

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Il ajoute : le setier est à 8 # 18. Et la gerbe a produit à raison de 5 %. [Exactement 2851 gerbes x 4.85 % = 138 setiers].

 

Avoine

 

------------------------------------------------------------------

Métairie   * Semence en * Gerbes * Récolte en * Quitte * Gains en

           * setiers    *        * setiers    *        * livres

------------------------------------------------------------------Vieulette  *    1       *  100   *     6      *  2,2q  *   7 # 10 Assolentis *    1       *   60   *     5      *  2     *   6 #

------------------------------------------------------------------

Total +/-  *    2       *  160   *    11      *  4,2q  *  13 # 10

------------------------------------------------------------------       

Fèves

 

------------------------------------------------------------------

Métairie   * Semence en *        * Récolte en * Quitte * Gains en                                  * setiers    *        * setiers    *        * livres

------------------------------------------------------------------

Vieulette  *  2         *        *    12      *  5     *  30 #

Jeannet    *  2         *        *    15      *  6,1q  *  37 # 10

Lapierre   *  1         *        *     4,2q   *  1,3q  *  10 # 10

La Saurête *    3 quart *        *     5      *  2,1q  *  13 # 10

Bonnet     *    3 quart *        *     6,1q   *  2,1q  *  13 # 10

Pendoyant  *  1         *        *     6,2q   *  3,1q  *  19 # 10

(Le Faget) *            *        *            *        *

------------------------------------------------------------------

Total +/-  *  7,2q      *        *    51,3q   * 22     * 132 #  

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Il ajoute : 6 # le setier. Et la surmesure a donné sur le total pour ma portion 2 setiers 2q. Il s'agit sans doute de "la bladade", un avantage que les propriétaires prélèvent à leur profit et d'un montant fixé à une quantité un peu supérieure à la semence[42].

Millet

 

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Métairie   * Millet en épis   * Millet dépiqué * Produit en argent                                 * sacs (sa part ?) * en setiers     * livres

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Vieullèle  *   78             *   30           *  165 # 5 sols

Assolentis *   49             *   30           *   99 # 3

Jeannet    *   32             *   10           *   55 # 1

Lapierre   *   17             *    6           *   33 # 1

Bonnet     *   30             *   11           *   60 # 11

La Saurete *   29             *   10           *   55 # 1

Fandoyant  *   21             *    8           *   44 # 1 

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Total +/-  *  256 sacs        *   93           *  512 # 5

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Il ajoute : à 5# 10 s 2 q.

 

   Le maïs est venu d'Amérique après Christophe Colomb en 1493. Il apparaît sur le marché de Castelnaudary en 1637, et de Toulouse en 1639, sous le nom de millet d'Espagne, le millet très répandu dans cette zone prend alors le nom de millet de France ; puis les deux céréales se désignent sous le nom de millet gros et millet fin, jusqu'au moment où le maïs ayant éliminé la culture du millet, s'empare de son nom et devient vers 1655, le "millet" tout court[43].

 

Vendange

 

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Métairie   *  Nombre de comportes     *   Produit en argent

           *    Total   * Ma portion  *   livres

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Vieulèle   *            *             *

et Picadis *    16      *     8       *    69 #

Assolentis *     4,1/2  *     2,1/4   *    18 #

Jeannet    *     4,1/2  *     2,1/4   *    18 #

Lapierre   *     2,1/2  *     1,1/4   *    10 #   

La Saurête *     6,1/2  *     3,1/4   *    26 #

Bonnet     *     0,1/2  *     0,1/4   *     2 #

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Total      *    34,1/2  *    17,1/4   *   138 #

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Il ajoute ce qui revient à 8 # la comporte. En 1732, il indique que sur dix barriques de vin il en vend neuf et en consomme une. Le vin est classé en trois catégories suivant sa qualité. Le premier septembre 1737, il fait faire un fouloir pour la vendange qui lui coûte 22 livres. 

 

   Les haricots sont décomptés en boisseaux. Ils ont rapporté 23 # 18 ; quant aux orges 2 setiers de semence ont donné 160 gerbes, soit 8 setiers 3q dont 3 setiers 1q pour lui, et lui ont rapporté 17 # 12. La valeur du setier et autres grains est de 92,2 l, mais la valeur du setier d'avoine est de 111,2 l.

 

   Le rendement, très faible, est celui d'un pays sous-développé. Nous ne pouvons pas le calculer en fonction de la surface, car nous ignorons la superficie des parcelles dans ses différentes métairies. Le document ne nous indique pas à quel rythme la terre se repose par le jeu des assolements. La semence n'est jamais renouvelée, le fumier est le seul engrais et l'irrigation est inconnue. En revanche l'eau n'est pas suffisamment évacuée des terres, la semence peut geler, comme nous l'avons vu en 1709, ou pourrir. Ainsi la semence de blé rend à peine deux fois et demie la mise, avec un maximum de quatre fois en 1733 ; cette année là, la valeur du setier est légèrement descendue à 8 # 8, ce qui a rapporté 759 # ; en 1738 la valeur du setier de blé est montée à 10 # 3. Le tort impardonnable du blé, écrit Fernand Braudel[44], ce sont ses rendements faibles... Pour un grain semé, la récolte est souvent de cinq, parfois moins. De nos jours la récolte rend jusqu'à soixante dix fois la semence. L'année 1734 est l'année la plus mauvaise tant pour le blé que pour l'avoine ; la semence de cette dernière donne plus de cinq fois[45] ; le gain le plus fort est 34 # en 1738. Le rendement de l'orge est légèrement supérieur à quatre fois. En revanche les fèves donnent sept fois la semence. Elles ont rapporté 132 # en 1734 contre 42 # en 1741. La meilleure année du millet est 1738, car la valeur du setier s'est élevée de 5 à 9 #, la plus mauvaise donne 298 # en 1735. Le revenu de la vigne oscille entre 250 # en 1740, contre 51 # en 1735.

 

   Le partage des récoltes avec les métayers, qui reste stable d'une année sur l'autre, s'établit ainsi :

 

       Propriétaire   métayer

blé    :  28 %          72 %

avoine :  38 %          62 %

                   et orges

fèves  :  42 %          58 %

vigne  :  50 %          50 %  

 

   Chaque année figure sur le livre de comptes la dette des métayers, soit un montant de 96 # 14 en 1734. Cette dette augmente chaque année avec un maximum de 606 # en 1740, et pour se stabiliser dans les années suivantes autour de 480 #. A la vérité, nous ne savons même pas si la semence, qui est à mi-partie, a été déduite des rendements ci-dessus.

 

       Cette année 1734, le produit des cultures se répartit ainsi : 

millet ou maïs          :  43 %

blé                     :  30 %

vigne                   :  12 %

fèves                   :  11 %

avoine, orges, haricots :   4 % 

soit                    : 100 % 

 

   Le maïs, par son importance, semble remplacer le pastel. Ce dernier a disparu devant la concurrence de l'indigo, il n'est plus cultivé depuis plus d'un siècle. Le maïs remplace la stérile jachère et permet de passer du rythme d'assolement biennal au triennal : 1 : blé ; 2 : maïs ; 3 : jachère[46].

 

   Une seule coupe de bois pendant ces quinze années : en mars 1741 il a fait couper le bois de la métairie de Soulentis soit :

 

                 30 bûchers (?) de bois à 6 # le bûcher = 180 #

                    1100 fagots

                   - 340 fagots pour ceux qui les ont fait

                   = 760 à 4 # le cent soit               30 # 8 s

                Frais de coupe et de façon des bûchers  - 18 #

                                                   reste 192 # 8 s

 

   Il a conservé quarante gros arbres pour des baliveaux ou pour faire des pièces de charpente.

 

   Le revenu des cultures, toujours pour cette année 1734, donné par le livre de comptes est le suivant :

                                                                                                                                                                                                           1418 livres

dont il faut déduire   :       taille 507 #

                          censive  61 #

                      réparations 133 #

Il reste donc :            =/- 724 livres 11 sols,                     soit près de 50 % de charges.

 

Nous avons vu ci-dessus, l'évaluation des bestiaux ; elle se renouvelle chaque année. François Quesnay (1694-1774) le physiocrate écrit : "qu'on favorise la multiplication des bestiaux, car ce sont eux qui fournissent aux terres les engrais qui produisent les riches moissons". Fernand Braudel ajoute que les pays d'élevage sont plus aptes que les bonnes terres céréalières à faire vivre leurs paysans.  De nos jours il n'y a pratiquement plus de gros bétail à Caraman.

 

Le nombre de bêtes à cornes varie peu, 56 maximum en 1739, 52 en 1740 et 45 minimum en 1741. En revanche le nombre de bêtes à laine varie plus, de 55 minimum en 1736, à 141 maximum en 1737 et 70 en 1738. Les ovins sont plus nombreux, ils bénéficient du pacage dans les jachères, et produisent une matière précieuse la laine. Chaque année il écrit dans son livre : François Aversenc doit présenter des bestiaux pour 100 livres. Nous présumons qu'il s'agit du petit bétail (gallinacés, lapins, porcs, etc.), qui par ailleurs n'est pas mentionné.

 

Baux agricoles

 

Nous possédons seulement deux baux, et pour des années antérieures à ces comptes. L'un, acte informe, plus proche de notre période étudiée, est du 11 août 1731, entre Barthélemy Calages et Guillaume Rigaud, pour la métairie de Soulentis. Le preneur, à demi-fruit, s'engage à travailler, fumer et cultiver en bon père de famille, faire les fossés[47], tirer les aurières[48], provignier[49], planter les saules, peupliers, et arbres fruitiers. Les semences seront fournies par moitié et les fruits et grains seront partagés de même. La récolte sera portée chez le propriétaire, dans sa maison de ville. Les bestiaux et un cochon seront entretenus à risques et frais communs. Le maître fera l'avance si le métayer n'est pas en état de fournir sa part, mais, en revanche, le fermier devra lui payer la rente ou intérêts. Le preneur ne pourra couper aucun arbre sans la permission expresse du propriétaire, mais seulement les émonder pour le chauffage de sa famille. Le métayer ne pourra faire des transports pour des tiers avec sa charrette sans la permission du propriétaire, et s'il le fait les voyages se partageront par moitié. Le métayer devra payer, pour sa part de charges et tailles de la métairie, 15 livres en argent, 40 têtes de volailles (10 chapons, 10 poules, 10 poulets, 10 gélines) et 200 oeufs. Ce bail est fait pour quatre ans et commence à la Toussaint. L'autre, plus ancien et sous seing privé, du 13 avril 1690 est plus complet, entre Jacques Bonay et Barthélemy et Pierre Sicres, père et fils pour la métairie d'En Viollele. Cet acte précise que le propriétaire leur baillera une paire de juments et  deux paires de vaches pour faire le travail, ils donneront annuellement pour ce bétail de labourage deux setiers de blé. Ils achèteront à frais communs une paire de pourceaux nourrissons, qui seront partagés à la Toussaint, mais le choix appartiendra au propriétaire. Ils tiendront un troupeau de brebis à frais communs. Toutes semences se fourniront par moitié, les graines seront partagées au sol et à la "cartière" (?). En ce qui concerne l'exploitation forestière, les fagots qui se feront au bois de la Moulière se partageront en quatre parts, mais dans deux ans seulement. Ils ont la permission de nettoyer le bois et d'y faire "paquer". Ils pourront ébrancher, couper les buissons des aurières (les haies), excepté les saules dont ils devront en planter cinquante par an. Ils mettront des buissons autour pour empêcher le bétail de les couper  ou de les ébranler. Les preneurs seront tenu de mettre les sarments en "manelle" et de porter, comme pour le bail ci-dessus, la part du propriétaire avec les fagots à Caraman. Le propriétaire se réserve les poires des poiriers nains, mais les prunes sèches (pruneaux ?) seront partagées. Le preneur sera tenu de faire avec le bétail de la métairie deux voyages de charrettes à Toulouse, Castelnaudary[50] ou autres lieux, le propriétaire fournit la dépense de bouche. Enfin il paiera sa part de charges à la Saint-Barthélemy.

 

Jacques Calages, puis son gendre Jean Louis de Pagès Bannières, remettent en état leurs terres grâce aux incitations publiques. Ainsi, pour profiter des privilèges accordés par la déclaration du roi du 13 août 1766, et pour y obéir, ils déclarent, le 26 mars 1772, avoir fait défricher trois pugnérades racine à la métairie de Soulentis ; le 6 mars 1773 sept pugnerades racine à celle du Roc ; le 16 mai 1774 six pugnères de racine à celle de La Belle.

 

Revenu général et réemploi

 

Jacques Calages récapitule ses revenus généraux de l'année 1734 de la façon suivante :

 

Les biens fonds       758,8            [ 36 %]

Les bestiaux          271,18           [ 13 %]      

Les rentes en argent  553,16           [ 26 %]   

G de P                520              [ 25 %]

Total                2104,2   livres   [100 %]

 

Si nous traduisons "G de P" qui se renouvelle chaque année par gains de profession, les produits de la charge de Jacques Calages correspondraient à seulement 25 % de la totalité de ses revenus, la proportion la plus faible étant de 18 % en 1735. Ce gain de 520 livres est à comparer aux gages annuels d'une de ses servantes qui est engagée à 18 livres par an, logée, nourrie, blanchie, ou à ceux de Catherine Cor, à son service depuis longtemps, qui est augmentée, en 1736, à 27 # par an. Bien entendu cette comptabilité, comme toutes celles de cette époque, est tenue dans une monnaie qualifiée d'imaginaire par Fernand Braudel[51]. Jacques ne manipule jamais la livre, le sol qui en est la vingtième partie, ni le denier, douzième partie du sou. Il s'agit d'une monnaie dite de compte qui sert à tenir une comptabilité, à évaluer la valeur respective des pièces, et à fixer les prix et salaires. Cette monnaie de compte se traduit en monnaie réelle locale ou étrangère, quand il s'agit de passer de la comptabilité au paiement effectif. La double monnaie lui échappe parfois dans son livre quand il écrit : le premier juin 1744, Annette Bassona est entrée à mon service à huit écus (monnaie réelle) faisant 24 # de gages ; le 26 septembre 1738, j'ai pris de Pierre Cazes, une paire de vaches (monnaie réelle) au prix de 120 # (monnaie de compte) en paiement de 96 # qu'il me doit, et je lui ai rendu 24 # (il ne nous précise pas en quelle monnaie réelle il paye ce solde, sans doute en écus).

 

Jacques est un capitaliste prudent. En effet les rentes ou obligations sont souscrites auprès d'institutions solvables, la province, le grand séminaire, les collèges des jésuites (quoique le contentieux lié à la liquidation de la dette, du fait de l'expulsion des jésuites par Louis XV, se poursuive encore au lendemain de la révolution de 1789), des prêtres ou des magistrats. Il ne hasarde guère ses capitaux dans des placements spéculatifs, compagnies ou commerçants par exemple. Effectivement, en 1734, seulement 200 # à 5 % sont prêtées à Jean Maurel et Françoise Condemine de Caraman  ; en 1736 il a vendu la maison de son oncle à Jean Azalbert hôte de Caraman, 400 # moyennant une rente de 20 # garantie par l'immeuble. Il semble que derrière ces nombreux ecclésiastiques, se cachent des commerçants de leur famille, dont ils sont les garants. De cette façon, en cas de défaillance, Jacques Calages obtient que le règlement de la rente soit effectué directement par le fermier des dîmes du curé de Dieupentale. Il est d'autant plus prudent qu'il réemploit ses bénéfices dans la terre[52]. Entre 1735 et 1741, il achète pour plus de 3520 livres de terre, en sept opérations. Il prend la peine de nous écrire en 1739 : à 261 # l'arpent et 200 # en 1741. L'arpent de Toulouse vaut 56,9 ares.

 

 Il dénombre aussi ses biens :

 

En Vieullèlle : "Une borde en soulier, estables, four, hort, le long de la Saune.... Dans la contenance de la métairie, Jacques de Bonay fit construire une métairie....77 arpents".

 

Le Roc ou d'En Jeannet : "Une borde en peseigne, four, sol, hort, terre, vigne près et jonquas... 19 arpents".

 

Assolentis (Soulentis) : "Une borde en soulier, cousties, sol, hort, terre, vigne, près, jonquiers et bois... 28 arpents".

 

La Belo (La Belle) : rien d'écrit sous le titre.

 

La Saurète dite La Bourdète : "Une Borde en peseigne, sol, hort, terre et vignes... 8 arpents".

 

Maison dite de la Colombe.

 

En Bonnet (dans le consulat de Ségreville, acheté par Barthélemy Calages) : "Maison en soulier, terre et patus..4 arpents". En 1774, deux hommes et deux femmes font valoir cette métairie[53].

 

Dans la taille de Caraman de 1733 à 1735 sont ajoutées, la métairie de La Bello à Caraman, la métairie de La Pierre à Ségreville, qui a été achetée par Jacques  Calages le 29 mai 1737, de Delphine Castanet et Marguerite Bonnet sa fille, 10 arpents, dont 8 labourables et 2 en vignes, dans cette métairie, en 1774, il y a quatre hommes et une femme[54] ; et la pièce de Fendoyant au Faget. Comme son père, il achète des terres qui confrontent avec son patrimoine existant. Une note permet de donner une idée du rapport entre la fortune terrienne et la fortune mobilière : en 1695 M. Quinquin estime la métairie de la Saurete et ses huit arpents à 1600 livres ! Nous ne connaissons pas son mobilier, mais dans ses comptes, il prend soin d'écrire que le premier août 1737, il a acheté, chez Becane orfèvre à Toulouse, quatre petites cuillers, douze fourchettes et deux cuillers à ragoût en argent pour 308 # 16 sols. Il paie au poids, plus le contrôle et la façon, et pour partie avec une écuelle et six vieilles fourchettes à l'ancien poinçon de la province (monnaie réelle). Dans ses comptes n'apparaissent pas le détail des revenus de sa charge, les émoluments, les épices, ni l'évaluation des biens reçus de son père, maisons, métairies, terres, etc.

 

Nous devons à Jacques les aménagements XVIII° de la maison, notamment les stucs du grand-salon. Sur la corniche de la cheminée, Thémis, la déesse du Droit tenant d'une main le glaive et de l'autre la balance, affirme la vocation du propriétaire ; les peintures en camaïeu, entre les fenêtres, représentant des trophées et des instruments de musique, datent de cette époque.

 

                           Scandale dans l'église de Caraman !

 

Jacques Calages a acheté la charge de maire ancien et "mytriennal" de la ville de Caraman 12000 livres[55]. Il la dispute à m° Jean Baron[56], de Caraman, avocat à Toulouse. Celui-ci n'a payé que 4300 livres, et il s'est fait nommer par l'intendance de Toulouse, qui n'est pas compétente, alors que Calages est nommé par l'intendant d'Auch, dont dépend Caraman. (Ces sommes de 12000 et 4300 # paraissent élevées comparées aux comptes ci-dessus). Il s'en suit une scène ridicule, lors de la messe du 2 février 1724, fête de la Chandeleur, dans l'église de Caraman : après la bénédiction, Jacques Calages, en qualité de premier officier de justice se met à la tête de la procession pour prendre le premier cierge, suivi du sieur Baron, puis des consuls. Jacques Calages se saisit du cierge, le curé Casessus qui prend partie pour Jean Baron le retient, il se casse, et le curé  lui en donne un coup sur la joue, dont il fut marqué ! en lui disant : "allez retirez-vous".

 

Auparavant, le subdélégué de l'intendant d'Auch à Caraman du Bousquet sieur de Colomiès, a interdit toute fonction au sieur Baron, qui en fait, jouant sur les mots, a acheté l'office de maire de Carmagne. Il est reproché à Jean Baron d'avoir fait appel devant le sénéchal de Toulouse qui est incompétent ; en effet les lettres patentes du roi Henri II du 14 juillet 1554, donnent la connaissance des cas royaux au sénéchal du Lauraguais. Quant au curé Casessus, a-t-il voulu se venger ? Car il a déjà eu un différend avec le père de Jacques, au sujet de la présidence de l'assemblée de l'hôpital-Saint-Jacques de Caraman. Barthélemy a obtenu des "lettres royaux" du 20 juillet 1720, après intervention du comte de Caraman, le confirmant dans son droit. Mais le procès dure encore en 1734, et le 6 avril 1721 le curé lors de la procession des rameaux avait "scandaleusement jeté du choeur le juge d'appeaux et les consuls", nous apprend une délibération de la communauté.

 

A la génération suivante, en 1783, la dispute continue sous un autre prétexte. La fille de Jacques, Marie épouse de Jean Louis de Pagès Bannières, veut conserver dans l'église l'usage du banc obtenu par son grand-père en sa qualité de juge d'appeaux. Mais ce banc est convoité par Guillaume François Baron de Montbel qui a succédé à Jacques dans la charge de juge d'appeaux. Marie veut au moins être remboursée des frais engagés par ses auteurs pour son usage : les 2400 livres financées par son grand-père pour l'achat de sa charge, et les 7 écus de 7 livres déboursés pour la construction du banc. Elle est déboutée par monsieur de Besaucele, chargé d'affaire du comte de Caraman. Les 2400 livres n'ont été exigées que pour assurer à son grand-père la jouissance de cette charge sa vie durant, alors qu'elle a été prolongée à son fils sans nouvelle finances[57].

 

Autres Calages

 

Jules de Lahondès dans "Une poétesse épique toulousaine" (Revue des Pyrénées t xv 1903) évoque la figure de Marie de Calages. Marie de Pech est née aux environs d'Ancenis en 1630. Son père, Georges de Pech, après une affaire d'honneur et un duel, quitte la Bretagne et demande un abri au Languedoc, la province d'origine de sa famille. Marie épouse à Narbonne, le 15 septembre 1659, Henri de Calages, fils de Pierre et d'Anne d'Alegre. Un enfant du couple Pierre Paul, baptisé le 10 juin 1657, a pour parrain Pierre Paul de Riquet, baron de Bonrepos et Catherine de Fournier, épouse de Barthèlemy Calages. Marie de Calages présente ses vers aux Jeux Floraux qui les couronnent plusieurs fois. Elle écrit et imprime un poème épique inspiré par l'histoire de Judith. Elle le dédie à la reine, et le fait présenter, par son mari, à la jeune Marie Thérèse lors de son arrivée en France pour épouser Louis XIV. Ce qui lui vaut un don de 10 000 livres de la reine, du roi et d'autres personnages de la famille royale. Marie est choisie comme nourrice du Grand Dauphin, mais elle meurt en couches, à l'âge de 29 ans, à Mirepoix le 8 octobre 1661.

 

Dans les livres de comptes de la maison, nous relevons que le 9 avril 1743, Jacques Calages sert de caution à Elisabeth de Besse, veuve de Louis Calages, son cousin, devant m° Milhet notaire à Toulouse[58]. Le 8 janvier 1747, il prête 150 livres à l'abbé de Calages, son cousin. Un abbé Calages, vicaire, signe les registres de catholicité de Caraman de  1755 à 1760[59]. Louis de Calages fait ses voeux, en 1753, au prieuré bénédictin d'Ardorel de Cîteaux. Guillaume Henri de Calages, prieur de l'abbaye d'Ardorel opte, en 1791, pour la vie commune avec les religieux de son ordre, puis pour la vie privée en résidence à Saïx[60].

 

   Enfin Sylvestre de Pagès Bannières, dame de Tourtoulon, dans son testament, lègue 40 000 f aux enfants de monsieur Calages Taurine, habitant l'Aude, son parent. On trouve encore madame de Calages, 3 allées Saint-Michel dans le Tout Toulouse 1913.

 

 

[1] - Jean de Calages, né le 21 janvier 1584 à Fanjeaux, de noble Etienne de Calages, chevalier, capitaine de 100 hommes d'armes et de Miramande de Marion sa femme, serait l'auteur de la branche de Caraman, suivant une note manuscrite du dépôt Désarnauts A.D. 11 J.

[2] - Cet hameau d'Auriac-sur-Vendinelle est paroisse jusqu'à la Révolution.

[3] - Cf. aussi: Villain Hte Garonne p.1817.

[4] - Cf. aussi: Villain p. 1836.

[5] - A.D. 81 C 1209.

[6] - R. C. de Caraman. Les Villeneuve Crozilhat ont été également protestant suivant Gaston Tournier op. cit. p. 9.

[7] - Cf. aussi: Villain p.1095.

[8] - Il nomme, le 13 février 1686, comme juge suppléant en cas d'absence ou de maladie de Barthélemy Calges m° Guillaume Bannat, docteur et avocat au parlement de Toulouse. A.D. 31 E 1391.

[9] - Cf. A.D. 31 B 1881, et in François Bluche : Les magistrats du Parlement de Paris au XVIII°s.

[10] - Ramière de Fortanier p. 99, nous dit que cet arrêt est anachronique et qu'il consacre des droits abolis ! Nous l'avons vu, dans l'avant-propos, une partie de ces lieux,  ne relèvent plus du comté.

[11] - Laclastre alias Magradous, commune rattachée à Francarville en 1847 ;  Lasbordes, communauté réunie à Prunet dès le XVII° siècle ; Saune, hameau de Caragoudes, commune éphémère en 1790 ; Fourtounens, hameau de Mourvilles-Basses, commune supprimée dès 1790 ; Montcalvel, hameau de Maurens ;  Saint-Germier, annexe de Cessales ; Lux, annexe de Mourvilles-Hautes ; Les Cédals, alias Falgairac, commune éphémère en 1790 rattachée à Caragoudes ; Saint-Jean-de-Lugardes, commune rattachée à Lux dès 1790. B. Faucher : Etat civil et documents cadastraux, répertoire numérique, Toulouse 1948.

[12] -  A.D. 31 B 1303, B 1731.

[13] - A.D. 31 E 1391.

[14] - Le fils du mathématicien, Pierre de Fermat, l'auteur du fameux théorème.

[15] - A.C. 4D2.

[16] - Jules de Lahondès.

[17] - Abbé Duclos : Histoire des Ariégeois, t. VII p.137. 1887.

[18] - Jules de Lahondès.

[19] - Règlement de l'hôtel-Dieu Saint-Jacques de Toulouse, imprimé par Claude Gilles Lecamus et supplément au règlement, signé Calages syndic, imprimé à Toulouse chez la veuve Lecamus, vers 1735.

[20] - Cf. avant-propos.

[21] - A.C. 13D4 (Vaisselle plate c'est à dire l'argenterie !)

[22] - Cette bibliothèque possédait l'Encyclopédie, dont il nous reste seulement la facture de Sacarau et Mouton, du 5 mai 1779 pour les  tomes 21 à 27, et l'échange du tome 11 défectueux.

[23] - Lettre du comte de Caraman du 13 06 1776: "J'aimerais mieux, mon cher Calages vous donner dix adjoints que de recevoir votre démission..".

[24] - Carmaing, avec l'accent de Toulouse, devait être difficile à prononcer à la cour de Versailles !

[25] - A.C. 4D2.

[26] - A.D. 11 B 2192.

[27] - A.D. 11 B 2426 et B 2429.

[28] - A.D. 11 B2268.

[29] - A.D. 81 G 721.

[30] - In Jean Fourcassié :  Villèle, Arthène Fayard 1954. Et brouillon de lettre de J-L de Pagès Bannières.   

[31] - A.C. 17D5.

[32] - d°

[33] - A.D. 34 C 2866

[34] - Cf. Guy Salles.

[35] - A.C. 13D4.

[36] - Cf. Guy Salles.

[37] - A.D. 31 Q 392.

[38] - Sous la régence, il entrait dans le système de Law de dégouter le public de la monnaie métallique. On compte, de septembre 1719 à décembre 1720, 28 fixations pour l'or et 35 pour l'argent. Louis XV, par l'arrêt du 15 janvier 1726, fixe immuablement la valeur du marc d'or fin, ce qui stabilise la valeur du louis à 21 #, et celle de l'écu (argent) à 3 #. Marcel Marion : Dictionnaire des institutions de la France, XVIIème-XVIIIème siècles.

[39] - Le dixième a été créé par Louis XIV le 14 octobre 1710, il fut perçu jusqu'en 1717. puis de 1725 jusqu'en 1727. Le vingtième décidé en 1749 dura jusqu'à la Révolution. Les propriétaires de biens hypothéqués pouvaient en faire subir la retenue à leurs créanciers, lors du paiement des intérêts, de même, les villes, communautés, pays d'état, lors du paiement de leurs rentes. Marcel Marion, in op.cit..

[40] - Je remercie Martin de Framond, Directeur des Services d'Archives de La Haute-Loire, d'avoir vérifié sur le livre de comptes de Jacques Calages l'authenticité du relevé des écritures.

[41] -  Ce qui reste après avoir dédommagé le métayer.

[42] -Cf. G. Frêche, thèse p. 292.

[43] - Cf. Georges et Geneviève Frêche p. 20 à 22.

[44] - Fernand Braudel : Les structures du quotidien. 1979 p. 96.

[45] - A titre de comparaison le rendement moyen à l'unité, de 1712 à 1734, en Velay à l000 m d'altitude est de : 2,18 pour l'avoine ; 5,45 pour le seigle ; 4,17 pour la mixture 4,33 ; pour l'orge ; 3,6  et 3,10 pour les pois blancs et noirs ; 2,19 pour les vesses. Gérard Sabatier, Le Domaine du Poux, in Les Cahiers de la Haute-Loire, 1981. Rendement dans le Toulousain, cf. G. Frêche, thèse p. 357 à 364.

[46] - Cf. G. Frêche, thèse.

[47] - Les fossés ont une très grande importance. Ils doivent être creusés à une profondeur suffisante pour évacuer l'eau de cette terre argileuse.

[48]  - Bêcher à la main, en hiver  les bordures des champs, où la charrue ne peut pas aller. Communication Guy Salles.

[49] - Coucher en terre des branches de vigne, afin qu'elles prennent racine et produisent de nouveaux pieds.

[50] - Le déboucher agricole de Caraman est le marché de Toulouse comme celui de Castelnaudary qui est plus loin.

[51] - Fernand Braudel op. cit. p. 408.

[52] - Un gentilhomme du Bourbonnais disait naguère à son petit-fils : "Achetez de la terre, elle ne rapporte rien, vous serez toujours un gueux, mais jamais ruiné".

[53] - A.D. 32 C22.

[54] - d°

[55] - Le pouvoir royal pour renflouer les caisses vend les charges municipales que des particuliers ou parfois des communautés, pour retrouver leur liberté, achètent. Le juriste Loyseau disait : Dans les villes chaque honnête homme a son office, comme chaque moine dans les cloîtres ; et Pontchartrin  : Lorsque le roi crée une charge, Dieu crée à l'instant un sot pour l'acheter.

[56] - Le 15 août 1685, problème de préséance entre les consuls et m de Villeneuve Crozilhat ; le 23 avril 1711, il en est de même  entre M° Jean Baron, premier consul et M. Dortet sieur de Ribourent, lors de la procession de Saint-Marc.

[57] - Communication Pierre de Lahondès de La Figère.

[58] - Barthélemy Calages, juge d'appaux de Caraman, est témoin au mariage, le 9 juillet 1712,  de son cousin Louis Calages, fils d'Henri receveur de la chambre à sel de Mirepoix et de Françoise de Plos avec Isabeau de Besse fille de feu François, juge de Villelongue et de Catherine de Baylin. A.D. 11, sous série GJ dépôt Désarnauts.

[59] - Cf. aussi . A.D. 31 3E 11818.

[60] - A.D. 81 H 5, H 33, L 610/22.