Catholiques & Potestants
Désolation de la communauté catholique
Nous connaissons la situation religieuse de Caraman à la fin du XVI° siècle grâce à la visite canonique, du 5 octobre 1596, de Jean Barricave, chanoine pénitencier, auteur d'ouvrages de controverse réfutant les hérésies calvinistes, et visiteur général du cardinal de Joyeuse archevêque de Toulouse[1]. Caraman, avait avant que les "hérétiques" n'occupent la ville, trois églises. La première, dans la ville et dédiée à Notre-Dame, a été démolie ; à son emplacement se trouve une place et une moitié de clocher en ruine subsiste. Autrefois l'archiprêtre tenait deux vicaires. A 10 ou 12 pas les "hérétiques" ont bâti une grange qu'ils appellent le temple ; il ressemble à une classe de collège, par ses sièges ses bancs et la chaire où le ministre fait le prêche. De cette église dépendent deux annexes, l'une Saint-Pierre-de-Massa, hors de la ville a été il y a quatre ou cinq ans entièrement détruite, il ne reste que quelques pans de murs bâtis de pierre et de chaux que les protestants n'ont pu démolir. L'archiprêtre y tenait un vicaire pour les dimanches et fêtes. Il n'y a pas eu de messe depuis 22 ans, sauf pour la dernière saint-Pierre, alors que les paroissiens habitants les différentes métairies alentour sont catholiques. Ils se plaignent que l'archiprêtre les délaisse, ils sont obligés de faire baptiser leurs enfants dans les paroisses voisines, et contraints d'ensevelir leurs morts sans aucun prêtre. Jean Barricave, lui-même, notre visiteur, est archiprêtre de Verfeil, et malgré ses nombreuses fonctions, il prend la peine d'y résider. Les paroissiens paient néanmoins leurs dîmes et sont désireux d'être instruits, enseignés et de ne pas demeurer comme des bêtes. La troisième église Saint-Sernin-de-Lignerolles a encore de bons murs, mais plus de toiture. L'autel est tout entier et fort beau, sa table est une belle pierre tout d'une pièce. La moitié de cette église pourrait se couvrir avec fort peu de frais, pas plus de 25 ou 30 livres. Dans le cimetière quelques croix que les pauvres paroissiens y plantent quand ils enterrent leurs morts. Cette paroisse aussi est abandonnée depuis plus de 22 ans. Enfin à Saint-Prim, de la petite chapelle ou église votive ne subsistent que les quatre murs et un autel ruiné. Il y a une grande dévotion et affluence de peuple le jour de la fête[2]. Les catholiques de Caraman vont communier à l'église de Loubens à plus de 7 km[3]. Dans les environs les églises de Caragoudes et de Maureville ont été également détruites par les huguenots.
Eugène de Malbos Eglise de Maureville 1841
Néanmoins le parlement de Toulouse est sévère à l'égard de ces archiprêtres qui ne respectent pas leurs obligations de résidence et autres. Il ordonne, fin mars 1602, que la construction d'une chapelle de Caraman, détruite (par qui ?), sera reprise par l'archiprêtre, sous peine de saisie de son temporel[4].
La dîme perçue sur la ville par l'archiprêtre est de 120 setiers de blé. La dîme de Saint-Pierre-de-Massa de 400 setiers de blé est perçue par moitié par l'archiprêtre et pour l'autre par le prieur de La Salvetat pour le chapitre de Moissac ; celle de Lignerolles est dévolue au chapitre de Saint-Félix avec un quart pour l'archiprêtre pour 550 livres. Enfin les fruits dîmaires de Saint-Prim sont arrentés pour 220 livres au chapitre Saint-Sernin de Toulouse et 1100 livres au profit de l'archiprêtre.
La pression économique des bourgeois protestants se ressent sur le marché où "les volaillers catholiques sont excédés par les huguenots sans qu'ils puissent avoir justice.." car les lieutenants sont de la RPR. Les protestants prélèvent sur les catholiques un impôt du culte, contre lequel, le 25 août 1623, Michel du Faur seigneur de Tarabel s'oppose quand Raymond Bousquet, collecteur des deniers imposés par les consuls huguenots de Caraman, vient les lui réclamer pour sa métairie d'En-Motte.
Reconquête des âmes sur les protestants
La situation dominante des protestants est remise en cause du fait de leur participation à la révolte de Rohan en 1622. Mais les persécutions personnelles avaient débuté dès 1619. Ainsi un arrêt du parlement de Toulouse, du 11 mai 1619, s'en prend à Antoinette Vaisse qui fait profession de la RPR. Son mari Bernard Pittore s'est converti à la religion catholique avant de mourir ; il laisse deux fillettes Gabrielle, huit ans, et Marthe, trois ans. Un nouvel arrêt du 16 juin ordonne que les filles soient conduites par un huissier de la cour, à la maison des Filles de l'Enfance[5].
Au lendemain de la capitulation, du 30 juin 1622, le roi accorde des lettres de grâces, pleines et entières, en faveur des syndics, consuls, habitants rebelles de Caraman, qui ont fait leur soumission, et aussi pour les soldats et leurs chefs. Ils entrent en possession de leurs droits, sous la sauvegarde du roi et celle du parlement. Il est interdit à quiconque de les molester, de les troubler, notamment en ce qui concerne leurs biens, et leurs relations commerciales avec les villes soumises. Cependant, ils ne doivent pas porter d'armes à feu, ni fréquenter les villes rebelles de Montauban, Castres, Puylaurens, Revel, Sorèze. François de Caumels, conseiller au parlement, est délégué pour l'exécution des arrêts du parlement : la démolition des murailles, et le comblement des fossés. A ce sujet, le parlement enjoint aux consuls, communautés, villes des environs, ainsi qu'aux hommes de guerre disponibles, de faciliter la tâche du délégué. Les habitants, qui au 20 juillet 1622, n'ont pas fait leur soumission sont déchus du bénéfice des lettres d'abolition. Leurs biens sont acquis au roi et vendus aux enchères. Quant aux maisons, le délégué se charge de les raser. La maison de Ganil, le moulin d'Arbousier et le bastion sur lequel il est édifié sont détruits. La maison du comte (le château) subira le même sort, sauf à conserver un lieu convenable pour servir d'église paroissiale, ou à la mettre dans un état qui ne puisse pas nuire au service du roi. Le 27 juin 1625, il est décidé la démolition de cinq autres maisons[6]. Puis une douzaine sont livrées à la pioche[7]. Les fils de certains réformés, rétablis dans leurs droits, se réfugient à Revel. Ils participent aux coup-de-mains et ravages des rebelles, et leurs pères ne cherchent pas à les en détourner. Leurs parents continuent à les fréquenter, et leur offrent même asile pendant la nuit. C'est pourquoi, en décembre 1625, sept maisons sont pareillement démolies[8]. Les deniers provenant des matériaux appartiennent au comte de Caraman, pour les deux tiers, outre le fonds qui lui est attribué à titre d'indemnité, le troisième tiers est confisqué pour le roi. Dans toutes ces condamnations prononcées par le parlement de Toulouse, nous ne savons pas celles qui sont réellement exécutées. Mais l'absence de zèle des consuls est dénoncée, ils omettent de mentionner sur les listes, les habitants les plus compromis. Ils encourent, le 27 juin 1625, une amende de 4000 livres, si dans les trois jours de la signification de l'arrêt du parlement, ils ne font pas raser les maisons signalées. Et s'ils ne fournissent pas les ouvriers, ils seront poursuivis comme complices[9].
L'étau se resserre, en janvier 1658, le parlement fait injonction aux habitants de Caraman de prendre à l'avenir toute délibération, en nombre égal de catholiques et de protestants. Huit ans après, en février 1666, nouvelle injonction aux consuls de Caraman, de tenir les conseils en nombre égal de chaque religion, le premier rang appartenant aux catholiques, qui opineront les premiers. Le curé archiprêtre, ou un de ses vicaires devront être appellés à ces conseils[10]. Les états de Languedoc, en octobre 1665, demandent la poursuite des contraventions contre les édits, faites par les ministres et habitants de Caraman[11]. Le vent tourne définitivement. En 1678, l'intendant de Languedoc, Henry Daguesseau, par une ordonnance envoie au nom du roi, à Caraman, Louis de Froidour, grand maître des eaux et forêts de Toulouse, pour faire procéder à l'élection des consuls de la ville : "..ceux de la RPR se sont rendus maîtres du consulat et du conseil politique, et ont empêché par leurs brigues depuis trois ans qu'il n'y ait été procédé à de nouvelles élections... Il ne pourra être admis que de bons sujets faisant profession de la dite religion catholique[12]..". Louis de Froidour intervient en personne, le 27 mars 1679, à Caraman. Il maintient Pierre Bonay, comme auditeur de comptes, et désigne comme premier consul noble Jean de Bonne, sieur de la Barthe[13], beau frère du juge Calages. C'est un gentilhomme forain nommé pour faire pièce aux bourgeois protestants. Le 2 juillet 1679, l'assemblée, avec Jacques Bonay, se plaint en vain contre l'action de Louis de Froidour, contraire à la lettre et à l'esprit de l'édit de Nantes. Le 25 juillet 1680, signification à la communauté de Caraman d'une nouvelle défense, du 23 juillet, de Daguesseau, à ceux de la RPR de participer au conseil. Le 20 février 1685, Joseph de Montpezat de Carbon, archevêque de Toulouse, réunit l'archiprêtré de Caraman au collège des jésuites de Toulouse : une fondation de l'archiprêtre de Puybusque du Faur, sous une dotation de 50 à 60 livres par an, oblige les pères jésuites à venir tous les ans prêcher une mission et à déléguer lors des festivités deux de leurs pères pour instruire, catéchiser, confesser les paroissiens[14]. La majorité du petit peuple est restée catholique. Ce petit peuple des campagnes a protégé cette très belle vierge de Caraman, Notre Dame la Belle, qui maintenant orne l'église. (ajouter réduite la statue) Les bourgeois, professions libérales, sont protestants, ils reviennent aux affaires après abjuration. Cette différence de condition sociale entre catholiques et protestants ressort de la lecture des listes des membres du conseil politique des deux communautés. L'abbé Morel, grand vicaire, préfère agir par la persuasion, mais le logement des gens de guerre reste une menace. Jérémie Dupuy raconte dans ses mémoires : "le grand vicaire revint à la charge, ce fut avec plus de succès que la première fois... si bien qu'il fit succomber tout le monde sans beaucoup de peine[15]".
En effet, le 25 octobre 1685, les derniers chefs de famille récalcitrants abjurent en bloc devant le juge Barthélemy Calages, le premier consul Jean de Bonne et l'archiprêtre Maffre de Puybusque. Combien symbolique est cette abjuration, non pas devant le curé à l'église, mais devant le conseil politique[16] ! Cependant, d'octobre à décembre 1685, parallèlement à l'action de l'archevêque pour l'instruction des religionaires, des soldats sont répartis chez les récalcitrants : le sieur Dupuy, Baron cadet, Sirven, bourgeois, et Suzanne du Bourg, femme du sieur Bret ; ou chez les fugitifs : Bret, avocat, et Roux. De nouveau en octobre 1686, un détachement du régiment de Cambrésis, commandé par un capitaine avec un sergent et quatre soldats doit être logé chez les réfractaires et chez ceux qui n'ont pas satisfait à la remise des armes. "Il n'y a point de réfractaires", répond Jacques Bonay premier consul, les habitants de la ville et du consulat ont obéi et, au lieu de loger la troupe chez l'habitant il l'installe dans le logis de Combelon, hôte.
Cependant cette reconquête est lente et difficile : dans un factum de procès contre Jacques Calages en 1734, le curé Casessus écrit que "..son anté-prédécesseur ne résidait pas à Caraman, se contentant de paraître pour les grandes fêtes, car les paroissiens catholiques y étaient en petit nombre, la paroisse était tenue par les deux vicaires. De nos jours, ajoute-t-il, la paroisse de Caraman est constituée pour moitié de nouveaux convertis". En 1742 il y a neuf cents communiants sur mille paroissiens, une famille huguenote, avec un mariage qualifié d'illégitime, et 150 religionaires ou nouveaux convertis[17]. Il ne reste plus, trente ans après, en 1774, que seize protestants, d'un certain âge, car il n'y a plus de naissances[18]. Mais cette action sur deux siècles est-elle efficace ? Oui, car une délibération du 16 décembre 1764, nous apprend que la communauté a la consolation de voir, que par les soins des maîtres et maîtresses d'école, Caraman a produit des sujets qui ont fait et font encore honneur au clergé et au barreau. Depuis, le nombre de familles protestantes a notablement diminué. Ceux qui avaient appris dans les écoles les principes de la véritable religion, les ont conservés. Devenus ensuite chefs de famille, ils y ont élevé leurs enfants et quelquefois ramené leurs pères ! Et pourtant, le 5 octobre 1783, la communauté dénonce ceux que l'horreur du travail a fait déserter la campagne et qui dévastent les possessions de leurs concitoyens. La principale cause, écrit-elle, est l'irréligion des pères et mères, car ils n'ont pas engagé leurs enfants à suivre l'instruction publique, ils ont peu de respect pour les lieux saints, et accompagnent les offices de leurs criailleries indécentes !
La destruction du temple
Le temple près du château est devenu maison de ville et provisoirement chapelle. C'est pourquoi, les protestants achètent en 1642, près de la porte de Montbel, une maison qui leur sert de temple. Mais les griefs, liés aux souvenirs des massacres et destructions se multiplient. Les arguments avancés par les catholiques ne sont pas toujours de bonne foi. Ils leur reprochent d'avoir acheté et construit leur nouveau temple avec les deniers de la communauté catholique, puis de l'avoir installé à moins de cent pas de l'église. Philippe de Saint Sernin, syndic des habitants de la RPR, objecte que l'édit de Nantes ne prévoit aucune distance entre l'église paroissiale et le temple : "le chant des psaumes ne saurait incommoder l'église", enfin la distance exacte, mesurée par un arpenteur est de 50 cannes ou 108 pas. Le temple, néanmoins, est à cinquante pas seulement de la croix où l'archiprêtre fait ses stations, lors des processions. Les protestants sont protégés par l'article 22 de l'édit de Nantes (article particulier ou secret de l'édit du roi sur la pacification des troubles, donné à Nantes au mois d'avril 1598). Il indique : "Ensuite de l'édit fait pour la réduction du duc de Joyeuse, l'exercice de la dite Religion ne pourra être fait en la ville de Toulouse, faubourgs d'icelle, et quatre lieues à la ronde, ni plus près que sont les villes de Villemur, Caraman et l'Ile-Jourdain[19]". En outre les lettres patentes d'Henri IV du premier janvier 1591 reconnaissent Caraman comme une des "églises" principales dans le diocèse de Toulouse, et les lettres patentes d'abolition et de pardon, de juillet 1622, autorisent l'exercice du culte à Caraman. Les catholiques ne reconnaissent dans l'article 22 qu'une indication de limite et prétendent que les protestants n'apportent pas la preuve d'un exercice du culte antérieur à 1577[20], pour bénéficier de l'édit de pacification du duc de Joyeuse. Ils reprochent à Bonay, qui agit au nom des anciens du consistoire, de ne pas produire les autres documents évoqués.
2 arrêts contre la RPR à Caraman
Marc Antoine de La Garrigue, seigneur de Francarville et capitoul de Toulouse, possède un tiers des droits de seigneurie sur le terrain où le temple est construit. Il assigne le consistoire devant le parlement. Il demande que lui soit délaissée cette partie de l'édifice par droit de prélation. La Garrigue n'est pas non plus de bonne foi, car il a déjà perçu ses droits féodaux et accepté deux reconnaissances, et pour des droits sur un tiers il réclame la destruction de la totalité. Le parlement de Toulouse condamne, le "couvert" du temple est déjà enlevé le 22 mars 1682, par un prêtre "bigot" qui monte la nuit sur la maison avec des hommes. Ils enlèvent la toiture, renversent la chaire et les bancs. Le consistoire se pourvoit en cassation devant le conseil du roi qui ordonne un sursis. Les protestants en profitent pour entrer en possession de leurs murailles et faire tendre des linceuls pour se protéger des injures du temps. Ils vivent dans une paix relative pendant six mois seulement[21]. Car, en dernier ressort, le conseil d'état le 10 août 1682, en ordonne la démolition, sous prétexte qu'il a été construit sans l'autorisation du seigneur ! Le juge d'appeaux est chargé de l'application de l'arrêt. Un charpentier et un maçon le démolissent, le 17 octobre 1682, pour 21 livres 17 sols[22]. En Languedoc, la révocation de l'édit de Nantes est accomplie dans les faits, bien avant que le roi ne la décide officiellement en 1685.
Jérémie Dupuy est le fils de David Dupuy, pasteur de Caraman originaire de Castres, et de Marguerite Quinquiry[23]. Sa soeur Marie a épousé Jean Baron. Cet ancien officier évoque dans ses mémoires cette période critique, avec les dragonnades que subissent les derniers fidèles, l'obligation de fuir Caraman, la capture, les prisons d'Agen, de Castres, de Toulouse, enfin après toutes ces souffrances, l'exil en Suisse. Il retrouve, à Vevey près de Genève, son cousin Guillaume Quinquiry, pasteur. Le pasteur David Camredon, natif de Caraman, se réfugie en Hollande pour exercer ensuite son ministère à Douvres en Angleterre. Jean Baron, pasteur à Mazamet, émigre avec sa femme et son plus jeune enfant à Londres. La Suisse accueille les enfants de Jean de La Rocque consul de Caraman, Etienne Mercier, Jeanne Gaubert veuve du pasteur Lespinasse, Raymond Géraud, Jean Azalbert, faiseur de bas et Abraham Mazoyer[24]. Les persécutions religieuses se perpétuent à Caraman, une bible en français traduction de saint Jérôme est saisie le 6 février 1686[25]. Au début du XVIII°, encore, la vindicte royale poursuit les protestants par delà la tombe ! le procureur du roi au siège de la sénéchaussée du Lauraguais, en exécution de la déclaration du roi du 14 mai 1724, engage une procédure contre la mémoire de Pierre Claret, de Jeanne Roussel, de Suzanne Ribenc, de Jean Gauthier, tous habitants de Caraman. Ils sont morts dans la RPR, malgré les exhortations dont ils avaient été l'objet de la part de leur curé[26]. En 1725, l'âme de la résistance est Jean Baron, ancien lieutenant au régiment du Rouergue. Le roi donne l'ordre de le reléguer à Castelnaudary, car "concubinaire et dogmatisant à Caraman", il empêche les religionnaires du lieu de se convertir[27]. Plus tard, par ordre, le premier mai 1740, Anne Sirven, âgée de 18 ans, est conduite aux Ursulines de Toulouse. Quatorze ans après, elle refuse toujours de se convertir. En 1743, c'est la demoiselle Clauzade, qui est emprisonnée dans l'hôpital de Toulouse pour s'être mariée au désert. Le 16 août 1770, l'intendant d'Auch écrit à Jean Louis de Pagès Bannières, son subdélégué, au sujet du sieur Vaisse[28], "de parents de la RPR", qui demande la permission de vendre une métairie de 4000 livres, et dont il destine le prix à l'amélioration de ses autres biens. L'intendant s'informe, s'il ne peut pas être soupçonné du désir de passer à l'étranger, et par conséquent, de vouloir liquider ses biens. Le 18 janvier 1775, c'est l'intendant de Languedoc, qui s'intéresse à la fortune, la conduite et les moeurs du sieur Barthe, nouveau converti.
La reconstruction de l'église de Caraman
Jacques Bonay réapparaît "bon catholique" au conseil politique en 1685. Il est premier consul du 13 janvier 1686 au 10 février 1692. En cette qualité, il est désigné le premier octobre 1686, par une délibération de la communauté de Caraman, pour aller avec messieurs Gaubert, Bret, Calmon et Mazuer, à Montauban, recevoir des mains de l'intendant[29] les 6180 livres, que le roi Louis XIV donne pour la reconstruction de l'église. Le plan et devis estimatif sont dressés par Guas. Mais l'intendant croit que cette église peut se faire à moindre frais. Il exige un bail au rabais ; sur une mise à prix de 8400 livres, les travaux sont adjugés pour 7400 livres à François Alquier charpentier, Pierre Faugère, Arnaud Andrieu, maçons, en retranchant du plan, les plafonds de la nef, les niches des confessionnaux et des fonts baptismaux, ainsi que la corniche. Jusque là, le service divin se célébrait dans la maison de ville, car, lors des guerres religieuses de 1620 à 1626, les protestants détruisirent les deux églises de Caraman, celle de l'intérieur qui servait aussi de chapelle au château et celle de Saint-Pierre-de-Massa. Le 12 avril 1687, Jacques Bonay, accompagné de membres du conseil, est à Toulouse. Morel, grand vicaire, les présente au marquis de La Rousse, commandant les troupes du roi en Languedoc, et à Lamoignon de Basville, intendant, "..qui sont bien aise de prendre les habitants de cette communauté sous leur protection, dans l'intention de faire le lendemain la bénédiction de la première pierre de la bâtisse de la nouvelle église qui se bâtit, par ordre du roi et les libéralités de sa majesté, en faveur de la réunion de ceux de la RPR avec ceux de la religion catholique apostolique et romaine[30]". Le 4 Juillet 1688, devant le conseil, Jacques Bonay annonce que : "dimanche prochain la nouvelle église sera inaugurée par monsieur Maurel, commis par monsieur l'archevêque, et qu'il serait à propos de prévoir un couple de flûte et de hautbois pour témoigner la joie que tout le peuple doit de la grâce qu'il a plu à sa majesté de nous faire présent de cette église". Par ordonnance du 8 octobre 1666, monseigneur de Carbon, archevêque, transfère dans la nouvelle église le service de Saint-Pierre-de-Massa.
(Dans l'original le rétable détruit de l'eglise)
Dix ans après, c'est encore Jacques Bonay qui est député à Montauban pour intervenir auprès de l'intendant, car, le premier septembre 1698, la foudre est tombée sur le clocher de l'église endommageant murailles et vitres. Le devis du Bassona est de 4 livres, 12 sols et 8 deniers, y compris les réparations au cimetière. Il est de bon ton de dire que les artisans d'autrefois travaillaient mieux que ceux d'aujourd'hui, alors pourquoi quarante ans après l'inauguration, le 11 février 1729, nous révèle une délibération, la toiture d'une des chapelles, celle de Notre Dame du Rosaire, s'effondre sous le poids de la quantité extraordinaire de neige ? Il faut en fermer l'entrée, car on ne peut pas rester dans l'église où le froid est insupportable. Le service divin ne se fait qu'avec beaucoup de peine au maître autel, car les chandelles s'éteignent, soufflées par le vent qui vient de la chapelle. La réparation coûte 39 livres 17 sols. En 1742, un grand tableau du Christ en croix entouré de deux autres tableaux orne le maître autel, ainsi qu'un autre tableau dans la chapelle N-D du Rosaire. Il y a deux confréries, celle du Rosaire et celle du Saint-Sacrement. Le visiteur épiscopal note que l'église est plafonnée de toiles d'araignées[31]. Plus tard, le 26 septembre 1773, l'archiprêtre Petit demandera l'autorisation de pouvoir faire une balustrade en fer cintrée qui empiétera sur la nef. Une carte postale du début du siècle nous montre cette grille de communion en fer forgé et dorée à la feuille. (ajouter réduit le dessin de la grille du choeur) Avec la chaire, c'est tout ce qui reste de l'église ancienne, car en 1904, une nouvelle église de style gothique toulousain est construite sur les plans de l'architecte départemental J. Thillet.
Eglise de Caraman, grille de choeur
[1] - A.D. 31 45J5 transcription Abbé Jean Lestrade.
[2] - Cette église, disparue après la révolution de 89, était remarquable par la qualité de ses statues en bois doré. Il y avait une source à ses pieds qui guérissait les maladies des yeux, communication Guy Salles. Saint Prime avec saint Félicien, son frère, sont convertis par le pape Félix I. Leur fête est le 9 juin. Ils subissent le martyr, à Montana près de Rome, le 9 juin 287. Les païens ont fait boire à Saint Prime du plomb fondu.
[3] - C-L. d'Orgeix : L'église de Loubens op.cit..
[4] - A.D. 31 B 198.
[5] - A.D. 31 1G 647.
[6] - Celles de Barthélemy Labarthe, Pierre Ganil, Philippe, François, Jean Expert.
[7] - Celles de Jean Terreux, des héritiers de Robert Petit, de Jeanne Baldaire, de Paul Miquel, de Jean Etienne, de Jean Faure, fils de Barthélemy, de Jean Baron, de Jean et Pierre Vaisse, de Germain Bonnardeau, des héritiers d'Antoine David et de Marthe de Trantoul, épouse de François Expert, tous absents et rebelles.
[8] - Celles de François Bassous, père de François et de Jean, d'Isaac Fauga père de Jean, de Dardé Tailhade, père de Jean, de Bernard Violle, père de Ramond, de Jean Sirven dit Pubra, père de Jean, de Pierre Avar, père de Jean, et de Jean Miquel, père de Jean.
[9] - A.D. 31 B 420, B 421, B 428, B 458.
[10] - A.D. 31 B 794, B 883.
[11] - A.D. 31 C 2281.
[12] - Cf. Dom Vaissete, t. XIV c.1228.
[13] - A.C. 40D3.
[14] - La communauté proteste dans une délibération du 26 décembre 1718, car les révérends pères ne tiennent pas leurs engagements ; le 30 novembre 1721, nouvelle protestation contre le mauvais fonctionnement de la paroisse : "..les récollets de Toulouse (qui ont succédé aux jésuites après leur expulsion par L XV) que l'on change de mois en mois".
[15] - Cf. Gaston Tournier, p. 40.
[16] - Ce sont : Gédéon Quinquiry bourgeois, Jacques Bonay avocat, Paul Mercier bourgeois, Philippe Martin notaire, Jean Baron greffier, Guillaume Mercier marchand, Isaac de Guill bourgeois, Antoine Vaisse notaire, Pierre Cardaillac bourgeois, Philippe Petit bourgeois, Etienne Clauzade procureur, Jean Bonay avocat. A.C. 40D3.
[17] - A.D. 31 31G520.
[18] - A.D. 32 C 22.
[19] - Communication G. Bollon, Société d'Histoire de la Montagne, 43400 Le Chambon-sur-Lignon..
[20] - Alors que nous avons vu ci-dessus, lors de la visite de Pierre du Faur en 1562, que la Réforme comptait déjà à Caraman 100 à 120 disciples.
[21] - Cf. Gaston Tournier, p. 29.
[22] - A.D. 31 1 G 520, 1 G 647, 45 J 75.
[23] - Baptistaires des enfants de m. Dupuis, ministre de la parole de Dieu et de Marguerite de Quiquery, son épouse. A.D. 81 B 94.
[24] - Cf. Gaston Tournier.
[25] - A.C. 40 D3.
[26] - A.D. 11 B 2561. A cette époque, Giraud Fluvial, curé d'Auriac, est poursuivi pour inceste spirituel et malversations avec ses paroissiennes.
[27] - Concubinaire : il s'est sans doute marié au désert. A.D. 34 C 418.
[28] - Une lettre de Vaisse à J-L. de Pagès Bannières, dans nos archives, datée de Versailles du 6 décembre 1789, relate les difficultés pour créer le département de la Haute-Garonne, et le massacre des Suisses à Versailles. Deux autres lettres aux A.D. 31 E 1387.
[29] - Dont dépend Caraman, cf. avant-propos.
[30] - A.C. 40D3.
[31] - A.D. 31 G 520.