Préface

  

    Genre à la mode et tombant souvent dans les travers de toutes les modes, la généalogie semble avoir présidé à la rédaction de cet ouvrage. Une lecture superficielle fait en effet apparaître, au fil des siècles, les familles ayant marqué l'histoire de Caraman, et le titre "L'hôtel de Malbos à Caraman" pourrait sembler un prétexte si son sous-titre "Chronique d'une maison, de son environnement catholique et protestant" ne venait annoncer un éclairage nouveau, ou tout au moins plus large, que la simple énumération généalogique.

 

    En fait, ce travail est bien d'ordre généalogique : des Bonay aux Malbos en passant par les Calages, nous voyons se dérouler sous nos yeux l'histoire détaillée d'une famille que l'auteur connaît bien : c'est la sienne ! Mais générations et alliances ne servent que de support à la vie de cette famille ; événement heureux ou malheureux, quotidiens ou extraordinaires, sont évoqués simplement mais avec précision.  

 

    Et ce n'est pas tout : Christian de Seauve retrace l'histoire de la maison avec le même bonheur. L'attachement qu'il lui porte est évident et donne au récit une vie toute particulière, ce qui n'empêche pas le développement, dans une rigueur remarquable, d'une étude architecturale tout à fait intéressante.

 

    Evoquer l'environnement local devenait obligatoire : on lira avec plaisir l'évocation des événements de la vie locale, souvent puisés dans la correspondance. "Le porteur ne va pas à Toulouse demain, il tue le cochon, il ira mercredi", la rivalité entre Jacques Calage et Jean Baron, le cierge qui devient une arme entre les mains du curé... relèvent du plus haut comique. Mais cette étude du milieu environnant ne s'arrête pas là : grâce à l'étude de livres de compte et de documents fiscaux, c'est à un véritable tableau de l'économie et des fortunes de Caraman que se livre l'auteur.

 

    Histoire d'une famille, de sa maison, de son environnement, tous les ingrédients d'une bonne monographie sont rassemblés. Pourtant, Christian de Seauve a franchi une étape de plus en faisant systématiquement le lien entre l'histoire locale et l'histoire générale. Il est vrai que le milieu s'y prêtait fort bien : le comté de Caraman s'est trouvé au coeur des grands phénomènes de notre histoire, notamment dans le domaine religieux. De plus, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, il a constitué un exemple excellent de la complexité administrative de l'ancien régime.

 

    Bref, même si l'on peut regretter, avec Christian de Seauve, que l'étude de certains documents - cadastres, minutes notariales - n'aie pas été menée à bout, il convient de saluer ce travail comme l'illustration réussie de l'"histoire totale", celle qui aborde un phénomène par tous ses aspects : politique, économique, religion, société, architecture, sans oublier les arts, évoqués ici à travers la figure attachante d'Eugène de Malbos.

 

    Les "spécialistes" dénicheront sans doute quelques bribes d'imperfection cachées au plus profond de certains détails, le grand public se laissera, quant à lui, emporter par la richesse de cette histoire, traitée de si passionnante façon par Christian de Seauve. J'espère enfin que celui-ci ne m'en voudra pas si j'affirme qu'il s'est trompé lorsqu'il ma dit ne pas avoir fait là oeuvre d'historien.

 

 

Toulouse le 31 juillet 1996

Christian Cau

Archiviste Paléographe

 

Eugène de Malbos, Caraman

Eugène de Malbos, Caraman